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Pologne : l’avortement entre tabou et hypocrisie

« C’était très douloureux. Peut-être la plus grosse douleur que j’ai connue jusqu’ici dans ma vie », explique Daria. À 23 ans, la jeune fille s’est retrouvée dans une situation inconfortable qu’aucune Polonaise ne souhaite affronter. Elle est tombée enceinte alors que c’était inenvisageable. Seulement, Daria a entendu ce que sermonnent les groupes anti-choix depuis des années dans les médias : « Interrompre une grossesse, c’est tuer un enfant à naître »


 

Depuis 1993, l’avortement est légal dans trois cas précis :

1 – si la poursuite de la grossesse constitue un risque majeur pour la vie de la mère,

2 – si les analyses prénatales démontrent une maladie ou une malformation irréversible et fatale pour le fœtus.

3 – Si la grossesse résulte d’un crime sexuel, son interruption est légale.

Restreintes, ces situations exceptionnelles peuvent subir le veto de médecins. Avant de pouvoir accéder à l’intervention, une femme doit rencontrer deux médecins. Le premier est responsable du diagnostic prénatal et constate que la grossesse remplit un des critères rendant l’avortement légal. Le diagnostic sert d’autorisation préalable pour prendre un rendez-vous chez un second médecin pratiquant l’IVG. La loi prévoit cependant une « clause de conscience » permettant aux médecins de refuser de procéder à l’intervention pour des raisons morales. Celui-ci se doit en contrepartie de trouver une alternative pour sa patiente.

 

La religion : baromètre moral

 

Nombreux sont les médecins qui refusent de procéder à une IVG. L’Église catholique joue un rôle prépondérant dans la vie polonaise, notamment dans sa législation. Cette clause de conscience est directement liée aux idéologies catholiques très répandues qui associent l’avortement au meurtre.

Anka Grzywacz appartient à la Fédération pour les Femmes et le Planning Familial (Federa). C’est la seule organisation non gouvernementale de lutte pour les droits de la femme en matière d’avortement. Selon elle, l’influence de l’Église n’a pas de limite : sur la politique, sur l’évolution de la société, sur les anciennes générations mais aussi sur les nouvelles. « Depuis la chute du communisme, l’Eglise a un rôle majeur dans la société civile. À cette époque, c’est elle qui a donné une voix et un espoir au peuple. » Depuis, une écrasante majorité de la population polonaise se revendique catholique. Les statistiques vacillent entre 90 et 95% appartenant à la confession. L’Église dispose donc d’une influence conséquente sur l’électorat. C’est ainsi que les points de pression réciproques entre l’institution religieuse et le corps politiques persistent.

Pourtant malgré les efforts du gouvernement et des groupes anti-choix pour réduire la liberté des femmes de disposer de leur corps, les alternatives illégales sont nombreuses. Daria a toujours été consciente du fait que l’avortement est un sujet tabou et une pratique interdite. Pourtant lorsqu’elle est tombée enceinte après avoir eu un rapport non protégé avec son petit ami suédois, elle a compris qu’avoir un enfant à son âge changerait drastiquement le cours de sa vie. À l’époque, il lui restait encore une année pour terminer son master, son petit ami était selon elle loin d’être assez mature pour devenir père, et leur situation financière n’était en aucun cas compatible avec la vie de famille. Ces raisons ont effrayé Daria, et peu de solutions lui ont été proposées.

 

L’avortement : une bonne affaire !

 

 

Alors que quelques 3000 médecins, sages-femmes et étudiants en médecine ont signé une « Déclaration de foi » affirmant leur ferme opposition à l’avortement, d’autres rallongent leurs heures de travail pour accueillir, hors des périodes de consultation, des candidates à l’avortement. Cela se fait dans la plus grande discrétion et à des tarifs mirobolants : « un vrai business ! », décrit Anka Grzywacz. « Pour une intervention, il faut compter un mois de salaire. En Pologne, cela s’élève à un montant compris entre 500 et 1000 €. Sans-emplois, étudiants ou simplement les polonaises ayant un revenu modéré ne peuvent se permettre de passer par ce réseau sous-terrain apparemment sûr, mais très coûteux. »

La seconde option est de s’orienter vers un autre pays limitrophe comme l’Allemagne, la République Tchèque ou la Slovaquie, dans lesquels l’avortement est autorisé et effectué dans des conditions dignes. Ces deux options n’étaient pas envisageables pour Daria : manque d’argent et aucun contact à l’étranger, elle a donc décidé d’opter pour la dernière solution. Les pilules abortives.

Comme beaucoup de jeunes femmes enceintes souhaitant interrompre leur grossesse, elle a décidé commander des pilules en ligne. Certains sites étrangers comme Womenonwaves.org ou Womenonweb.org conseillent et procurent les pilules abortives gratuitement ou en échange d’un don. Sur sa hotline, l’organisation Federa oriente les jeunes femmes vers la solution qui leur convient le mieux et conseillent également des sites sûrs, sur lesquels les produits nécessaires sont disponibles.

« Les pilules abortives sont efficaces dans 95% des cas mais elles ne sont pas sans risque. Tout d’abord, il ne faut pas acheter n’importe quoi. Ensuite, il est clair qu’il n’y a pas de consultation avec un médecin. La femme se retrouve seule à affronter son problème, sans parachute de secours. »

Si le médicament est pris trop tardivement pendant la grossesse, les risques d’hémorragie interne sont élevés. De plus, le mutisme induit par la morale religieuse rend difficile l’accès à une aide médicale, psychologique ou même seulement au dialogue avec l’entourage.

 

Un mal isolé mais très présent

 

Daria s’est retrouvée face à cette solitude sociale. Après avoir rompu avec son petit ami qui souhaitait garder l’enfant, elle n’a pas réussi à en parler à ses meilleurs amis. « Je ne pouvais pas en discuter avec eux. On entend tellement souvent à quel point c’est mal d’avorter, que je ne pouvais pas en parler. » Seul les parents de la jeune fille étaient au courant et l’ont orientée vers un psychologue. Daria a été atteinte d’une dépression nerveuse jusqu’à ses 25 ans.

Ce n’est pas seulement la douleur physique induite par les pilules abortive, c’est également la souffrance d’aller à l’encontre des valeurs morales de sa société et de son entourage qui ont conséquemment touchées Daria.

« On laisse les femmes seules face à leur problème. Cette législation sur l’avortement est pour moi le plus gros facteur de discrimination en Pologne. Tout est lié au facteur de reproduction : le travail, les salaires… Pour une société comme la nôtre, dans laquelle la maternité et a fortiori la parentalité sont des attributs exclusivement féminins, l’acte d’avortement est la pire chose que l’on puisse faire et on en oublie que pour tomber enceinte, il faut être deux », regrette Anka Grzywacz.

En 2011, seuls 669 avortements légaux ont eu lieu. Selon les chiffres recensés par Fédération pour les Femmes et le Planning Familial, 100 000 interruptions de grossesses auraient lieu chaque année par le biais des différentes alternatives illégales. « Tout le monde sait qu’on procède aux avortements de manière illicite. Et tout le monde s’en moque. Le gouvernement n’a même pas l’intention de faire quelque chose à ce propos : ils ne veulent même pas faire des recherches sur les moyens illégaux. Tout ceci est hypocrite », déplore la représentante de la fédération.

Et lorsqu’on lui demande quelles sont les perspectives quant à l’évolution de cette législation, Anka Grzywacz répond : « L’affinité politique est plutôt orientée vers la droite ou le centre droit. Des changements ne seront possibles dans la politique liée à l’avortement que lorsqu’un parti progressiste de gauche sera au pouvoir. L’aile gauche est malheureusement tellement faible et fragmentée en Pologne qu’il y a de quoi s’inquiéter. Si nous finissons avec un parlement dont l’opposition est engloutie par le centre droit, la droite et l’extrême droite, j’ai bien peur que la législation sur l’avortement devienne en encore plus stricte. Les prochaines années n’augurent rien de bon sur ce plan-là. L’année dernière, on discutait même au Parlement de criminaliser l’éducation sexuelle. »

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Lisa Ducret

Les relations humaines et la curiosité sont deux traits de ma personnalité qui m’ont poussée tout droit au journalisme. Stylo, appareil photo ou caméra/micro à la main je jongle entre les langues pour découvrir de nouveaux aspects culturels, approfondir des questions vues et revues et avant tout satisfaire ma curiosité.

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